Les Kényans rejettent les toilettes volantes
par Wanzala Bahati Justuxs
IslamOnline.net
Pour beaucoup de gens, les mots « toilettes volantes » pourraient faire penser à une nouvelle installation d'hygiène sophistiquée. Mais pour les habitants de Kibera, un quartier pauvre de Nairobi, au Kenya, c'est un moyen de survie minimale. Si vous ne le savez pas, les toilettes volantes sont des sacs de plastique remplis d'excréments humains qu'on lance dans les rues, les allées, les fossés, sur les toits ou à tout autre endroit où ils peuvent atterrir. Cette méthode d'élimination des excréments humains contribue aux mauvaises conditions sanitaires. C'est pire pendant la saison des pluies, quand la pluie crée des flaques dégoûtantes d'ou émane une odeur repoussante.
Ignoré
Les autorités municipales ne fournissent aucun service sanitaire à Kibera et peu de propriétaires ont creusé des latrines pour leurs locataires. Les rares qui existent sont souvent débordantes. Résultat: les résidents ont recours à n'importe quel moyen pour évacuer leurs déchets solides. Par ailleurs, les divers projets et interventions destinées à surmonter les défis sanitaires liés aux rejets indésirables n'ont pas produit les résultats escomptés. Cela s'explique en partie par la croissance démographique très marquée et la croissance rapide du quartier lui-même.
La mauvaise gestion des déchets solides, de l'eau de pluie et des eaux usées, qui s'ajoutent à la mauvaise gestion des excréments et à une alimentation déficiente en eau potable ont provoqué un grand nombre de maladies contagieuses: diarrhée, typhoïde, tuberculose et malaria.,
Kibera est un des plus grand bidonville de toute l'Afrique. On estime que la population de Nairobi dépasse les 2,5 millions et 60% d'entre eux vivent dans un bidonville. Un tiers vivent à Kibera. Plus d'un demi-million de personnes qui n'ont accès à aucun service de base
Solution
Pour régler la situation, l'entreprise Globology Ltd fait équipe depuis deux ans avec l'ONG Umande Trust and Ushirika Roho Safi Laini Saba (en Swahili: coopération de bonne foi au bien de Laini Saba). C'est un organisme communautaire qui œuvre dans le secteur LainiSaba de Kibera. Ce partenariat visait à trouver une solution au problème de l'élimination des déchets humains à Kibera. Cela a donné naissance à un système simple, innovateur et durable des déchets: la "bio-latrine".
Grâce à une aide financière de l'Agence suédoise de développement international (SIDA) de l'Association du district commercial du centre de Nairobi (NCBDA) et d'autres donateurs,. on a construit une première bio-latrine dans le bidonville. Elle peut desservir mille personnes par jour et sa construction a coûté environ 250 000 $US.
De nombreux bénéfices
"La bio-latrine utilise une technologie de digestion anaérobique ( sans air) pour transformer les excréments humains en engrais et en gaz combustible utilisable pour le cuisson", explique Malcolm Ormiston, un ingénieur de Nairobi qui est aussi propriétaire de Globology Ltd.
La communauté peut donc éliminer convenablement les déchets humains tout en réduisant la pollution et les dégradation de l'environnement.
Les bio-latrines utilisent un système standard de production de biogas qu'on trouve couramment dans les pays asiatiques comme la Chine, l'inde et le Vietnam. La principale différence, c'est que le bio-latrines utilisent des excréments humains plutôt que des déchets animaux, explique Ormiston.
La toilette et les digesteurs sont construits avec des matériaux de construction traditionnels et requièrent très peu d'entretien.
Le système est modulaire et peut donc être adapté à des populations de toutes les tailles. "Elles conviennent tout autant à des écoles rurales ou urbaines qu'à des centres médicaux où on a aussi besoin d'énergie pour la cuisson", dit Ormiston.
Leur structure
La bio-latrine comporte trois parties principales: la latrine elle-même, le digesteur et les chambres d'expansion.
La latrine est sèche, avec des tuyaux de ventilation pour éliminer les odeurs et les mouches. À la différence d'une latrine ordinaire, elle est peu profonde et aboutit directement dans le bio-digesteur.
Celui-ci est un grand dôme souterrain qui est normalement à moitié rempli d'urine et d'excréments.
Les bactéries présentes dans cette boue détruisent les microbes dangereux à l'abri de l'air et produisent un gaz à base de méthane.
La taille de la bio-latrine a été .établie en tenant compte du fait que la boue doit demeurer dans le système pendant au moins quatre mois pour que les déchets deviennent inoffensifs avant d'être évacués.
le gaz s'accumule au dessus de la boue et est évacué à travers le bouchon qui scelle l'installation. Le gaz à base de méthane est acheminé par une tuyauterie souterraine jusqu'aux institutions et aux résidences qui vont le consommer.
Le nombre de cuisinières qu'une latrine peut alimenter dépend du nombre de personnes qui l'utilisent et de la taille du digesteur. Plus elle est grosse, plus il, y a de gaz.
Selon Ormiston, il faut qu'au moins cinq personnes déposent tous leurs excréments dans la latrine pour produire à peine une heure d'éclairage ou de cuisson. Le plus efficace est d'en tirer de la chaleur pour la cuisson, le repassage et les réfrigérateurs. Le gaz peut aussi servir à l'éclairage.
Le gaz peut aussi produire de l'électricité avec un moteur à combustion interne modifié et raccordé à une génératrice. Il faut alors une latrine très importante avec un investissement plus important et un entretien régulier. Pour des communautés démunies, c'est un obstacle de taille puisque l'acquisition, l'installation et l'entretien de la génératrice peuvent devenir un vrai défi.
Les boues qui sortent du bio-digesteur aboutissent dans les chambres d'expansion, souterraines elles aussi mais moins profondes. Il en sort un engrais agricole liquide qu'on entrepose ensuite dans un réservoir.
L'entretien
Le fonctionnement et l'entretien de la bio-latrine sont très simples puisqu'il n'y a aucune pièce mobile. La seule règle, c'est qu'on ne doit rien y jeter d'autre que les excréments humains, l'urine et le papier de toilette.
Dans la communauté Laini Saba de Kibera, où est située la bio-latrine, les responsables distribuent du papier de toilette à l'entrée pour éviter que les utilisateurs n'utilisent d'autres matériaux comme du plastique. La latrine a été conçue pour 600 à mille utilisateurs par jour et l'utilisation oscille maintenant autour de 500 par jours.
Selon Onesmus Nyamai, qui est président du groupe communautaire Ushirika Roho Safi Laini Saba, on demande une contribution minimale aux utilisateurs pour l'usage de la douche et de la toilette, de façon à défrayer le papier de toilette et le salaire du préposé.
Un service à la communauté
Le groupe de Niamai a été mis sur pied il y a une dizaine d'années pour régler les problèmes de la communauté comme la mauvaise hygiène et la pénurie d'eau potable. Cela avait entraîné la prolifération des vendeurs d'eau qui recevaient environ 11 $ US par jour des gens de la place.
"Nous sommes très prudents lorsque nous établissons les frais d'utilisation de la toilette et les catégories de personne à qui ils s'appliquent parce que ces frais font obstacle à une utilisation à grande échelle de l'installation et nous ne pourrons pas produire suffisamment de gaz" dit Nyamai. Les frais sont fonction du revenu des ménages et les pauvres ne paient rien, ou presque.
Aloice Ogutu est une utilisateur de la latrine. " Cette technologie, dit-il, a amélioré l'hygiène locale. Auparavant, ces déchets coulaient devant notre porte. C'est bien mieux aujourd'hui."
Le gaz de la bio-latrine sert au chauffage et à la cuisson pour plus de 50 orphelins dans une école voisine que dirige aussi la même organisation. Le groupe prévoit vendre ses surplus à des résidences voisines puisque la production de gaz excède les besoins de l'école qui est présentement le seul utilisateur.
Par ailleurs on doit encore trouver un marché pour l'engrais de la bio-latrine et des discussions sont en cours à ce sujet avec l'Association du district commercial du centre de Nairobi.
Nyamai fait pression sur le Gouvernement pour qu'il étende cette technologie à tous les bidonvilles de Nairobi. Il ajoute d'ailleurs que les bio-latrines conviendraient aussi très bien aux régions rurales puisque les fermiers auraient une utilisation facile pour l'engrais.
(...)
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